L’ex-président tchadien Hissène Habré, déjà condamné en 2016, a été fixé sur son sort ce jeudi avec l’annonce du verdict de son procès en appel devant un tribunal spécial africain à Dakar. M. Habré a été définitivement condamné à la prison à vie pour crimes contre l’humanité.
Après son silence en première instance, Hissène Habré a en effet marqué par son absence. Le juge Wafi Ougadèye a décidé que sa présence n’était pas essentielle. La Cour d’appel a donc confirmé le jugement rendu en première instance par la Cour d’assises des Chambres africaines extraordinaires : la perpétuité pour les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et actes de torture. En revanche, la Cour d’appel a abandonné le motif de viol. Dans tous les cas, ce verdict clôt plus de 20 ans de procédure. C’était une longue attente pour les victimes qui expriment aujourd’hui leur soulagement.
Parmi elles, Souleymane Guengueng a failli mourir de mauvais traitements et de maladie dans les geôles de Habré. Depuis, il a fondé l’Association des victimes des crimes du régime de Hissène Habré (AVCRHH) : « Depuis plus de 26 ans, je travaille pour que Habré soit condamné pour les crimes qu’il a commis. Aujourd’hui, je suis enfin en paix. J’espère que tous les dictateurs en Afrique ont compris le message. Personne n’est au-dessus des lois ».
Il n’y a pas eu de larme comme en juin 2016. Les victimes, leurs avocats s’attendaient à la confirmation de la peine de prison à perpétuité pour Hissène Habré. Ce verdict en appel est une immense joie pour l’avocate Jacqueline Moudeïna : « Il n’y a que de la joie parce qu’on a confirmé la condamnation d’Hissène Habré. Et ça, on s’y attendait. Donc aujourd’hui il n’y a pas du tout de frustration. C’est beaucoup plus la joie. Nous sommes sortis de ce tunnel de 17 ans. On a fait un travail pour lequel nous pouvons nous déclarer très fiers en tant qu’Africains, en tant que Tchadiens ».
Les trois avocats commis d’office qui défendent Hissène Habré et qui n’ont jamais eu de contact avec l’ex-président n’ont visiblement pas été surpris par la confirmation du verdict de première instance. Maître Mounir Balal estime que la Cour d’appel n’a pas été pertinente sur les appels déposés : « L’enseignement qu’on peut tirer, c’est qu’on reste quand même nous, en tant que conseil de la défense, sur notre faim. Nous avons toujours dénoncé en fait la précipitation dans laquelle ce procès a été organisé. La cour d’assises d’appel n’a pas été pertinente du tout sur le rejet des moyens ».
L’arrêt d’appel définit aussi un montant global des réparations, plus de 82 milliards de francs CFA. Tous les biens de Hissène Habré devront être saisis. Le fonds mis en place aura la lourde tâche de chercher les fonds cachés par l’ex-président.
Pour Clément Abaifouta, le président de l’Association des victimes, ce verdict en appel, cette confirmation de l’appel est une victoire et un message adressé à tous les dictateurs : « Tous les Hissène Habré à travers le monde vont désormais être inquiétés. Pour tous ceux qui ont dit que nous avons été orchestrés, nous avons instrumentalisé, aujourd’hui le droit est dit et ça nous satisfait. Moi, je dis le droit n’a pas de couleur. Vous avez fait mal, vous êtes un criminel. Il faut être jugé. Que vous soyez jugés par les Blancs, par les Noirs, moi le droit n’a pas de couleur. Mais je me dis qu’aujourd’hui, on peut être d’accord que l’Afrique peut juger l’Afrique ».
La peine de prison à perpétuité met en effet fin à ce long processus judiciaire désormais possible. L’histoire retiendra que pour la première fois, un ex-chef d’Etat africain a été jugé, donc condamné par une cour spéciale dans un pays africain.
Rassemblée par KAM S Alfred/Rédaction S-C Info
Source RFI