Camarades militantes et militants,
Camarades travailleuses et travailleurs des secteurs public, parapublic, privé et informel Burkinabè,
Camarades élèves et étudiants,
Chers invités,
Avant toute chose nous vous remercions d’être venus ce matin pour la commémoration du cent trente unième anniversaire de la lutte héroïque des ouvriers de Chicago. Merci pour cette mobilisation, expression de votre engagement à défendre la cause des travailleurs, votre cause.
Camarades militantes et militants,
Camarades travailleuses et travailleurs,
En rappel, la commémoration du 1er mai qui nous réunit ce matin est un hommage à ceux qui ont consenti des sacrifices énormes sur le terrain de la lutte syndicale, lutte dont nous, travailleurs du XXIe siècle, profitons encore des fruits.
A ces devanciers morts pour la cause des travailleurs, à la mémoire de nos camarades décédés depuis le 1er mai 2016, aux victimes des différentes attaques terroristes, observons une minute de silence.
Cette célébration du 1er mai nous offre l’occasion de faire un tour d’horizon de la situation internationale et nationale, d’examiner les conditions des travailleurs et de tracer des perspectives.
- Situation internationale
La situation internationale reste marquée par la crise généralisée du système capitaliste impérialiste mondial qui s’est davantage approfondie, exacerbant les contradictions fondamentales de notre époque. Cette crise se manifeste notamment par les traits marquants suivants:
v Le développement des luttes inter-impérialistes pour le repartage du monde. A cet effet, les puissances impérialistes et leurs alliés fomentent des guerres dont des guerres civiles réactionnaires dans le seul but de soumettre les pays à leurs diktats afin de piller impunément les richesses des peuples : Irak, Afghanistan, Syrie, Lybie, Yémen, Mali, Soudan, RDC, etc. ;
v Dans leurs luttes, les différentes puissances n’hésitent pas à utiliser des armes chimiques ou de destruction massive, ou encore des organisations terroristes et autres trafics sans considération des conventions et autres interdictions signées sous les auspices de l’ONU. Dans ce sens, la plupart des puissances assument une responsabilité dans le développement actuel du terrorisme dans le monde et des trafics en tous genres (faux médicaments, drogues, armes, blanchiment d’argent, …)
v La volonté de la bourgeoisie impérialiste mondiale de faire payer aux peuples les conséquences de sa crise, ne cherchant que son profit et ce, aux dépens du bien-être de la classe ouvrière et des peuples du monde.
v Cette politique criminelle est l’œuvre de tous les partis politiques bourgeois, de droite comme de gauche (les partis dits socialistes) qui, par leur faillite totale créent un terrain favorable à la naissance et à la montée en puissance de partis racistes et xénophobes dans les pays développés. Les récents résultats des élections en France, … la montée des partis d’extrême-droite dans nombre de pays européens (Allemagne, Hongrie, Ukraine, Danemark, Pays-Bas, France, …), la surprenante victoire de Donald TRUMP aux Etats-Unis avec ses thèses protectionnistes et anti-migrants sont symptomatiques de l’échec des partis bourgeois qui, de ce fait, sont comptables de la précarité dans laquelle vivent les peuples.
v La classe ouvrière et les peuples, tant dans les métropoles impérialistes que dans les pays dépendants s’élèvent courageusement contre la misère, l’exclusion sociale et économique, la vie chère, la remise en cause de leurs droits démocratiques et sociaux.
- Situation africaine
L’Afrique, du fait des immenses richesses dont elle recèle, est un des terrains privilégiés des affrontements entre les puissances impérialistes rejointes par les pays émergents. On y assiste au retour des guerres de rapine et à l’installation de bases militaires à l’image des bases militaires françaises et américaines, de centres d’écoute, d’espionnage et de drones sous prétexte de lutte contre le terrorisme islamiste au Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad, etc. La concentration de moyens de guerre de la part de ces puissances se fait sous prétexte de la lutte contre le terrorisme qui sévit dans la bande sahélo-saharienne avec des organisations telles que Al Mourabitoune, l’Etat Islamique en Afrique de l’Ouest (ex- Boko haram), le Front de Libération du Macina, … En réalité, la lutte contre le terrorisme n’est ici qu’un subterfuge des puissances impérialistes, France et USA notamment, pour sauvegarder ou conquérir des positions géopolitiques et géostratégiques dans les pays de la bande Sahélo-Saharienne afin d’y renforcer leur domination. Dans leurs manœuvres criminelles, ces puissances impérialistes s’appuient sur la bourgeoisie réactionnaire des pays concernés avec des régimes dictatoriaux et corrompus animés par des dirigeants qui font tout pour se pérenniser au pouvoir. Il en résulte que les populations laborieuses vivent dans une grande misère sociale; misère que fuient tant de jeunes à la recherche d’un mieux- être hypothétique ailleurs notamment en Europe, au risque des souffrances de toutes sortes et de la mort en mer ou dans le désert qui jalonnent le chemin de l’émigration.
Les peuples africains en dépit des conditions difficiles (corruption, insécurité liée notamment aux attaques terroristes, mal gouvernance etc.) mènent des luttes parfois héroïques.
Le monde syndical est resté en ébullition tout au long de 2016 et en ce début d’année 2017 avec des luttes de travailleurs notamment de la santé et de l’éducation au Gabon ,en Guinée ,au Togo ,au Kenya en Côte d’ivoire, au MALI, etc., amenant les pouvoirs en place à recourir à des mesures liberticides et anti syndicales (emprisonnement des leaders syndicaux au Kenya, menaces de licenciement et interdiction d’organisation syndicale au Gabon…)
Situation nationale
La situation nationale reste marquée par l’approfondissement de la crise sociopolitique que connaît notre pays, crise qui se manifeste à travers un certain nombre d’évènements.
Après l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 et la résistance héroïque du peuple au putsch du 16 septembre 2015, force est de constater que l’aspiration à un changement radical en faveur du peuple a été trahi par les autorités de la transition et par les « nouveaux anciens dirigeants » du MPP et leurs alliés.
La déception des populations touche essentiellement à l’impunité dont continuent de bénéficier les auteurs de crimes de sang et de crimes économiques, à la vie chère, à la sécurité, à la gouvernance et à la mise en œuvre des engagements.
En effet :
Ø Concernant les crimes de sang et les crimes économiques, on note que les gros dossiers de détournements de fonds, de passe-droits, de corruption, de détournements de parcelles révélés par différents rapports et audits, sont restés presque tous en l’état. Ainsi, les prédateurs et autres pilleurs des richesses de notre peuple, les auteurs et commanditaires de crimes, y compris ceux commis pendant l’insurrection et la résistance au putsch, se la coulent douce tant au pays qu’à l’étranger. Malgré l’ampleur des pillages opérés par les dignitaires du pouvoir COMPAORE et de la transition, aucune saisie de bien n’a été effectuée. Mieux, on a assisté à des élargissements de ceux qui avaient été arrêtés et détenus, à des levées de mandat d’arrêts. Pour tenter de cacher ses manœuvres, sa complaisance, voire sa complicité, le pouvoir se réfugie derrière l’« indépendance de la justice » ;
Ø A propos de la vie chère, on observe, particulièrement ces derniers mois, un renchérissement du coût de la vie avec l’augmentation des prix des produits de première nécessité tels que le sucre, le pain, l’huile, … Face aux protestations des consommateurs, le gouvernement a annoncé la fixation de prix planchers, de même que le retour du pain de 130F. Cependant, la réalité sur le terrain est tout autre.
Ø Au plan sécuritaire, on assiste à une gestion approximative sinon à des tâtonnements dans la gestion de la question de la sécurité, aussi bien concernant le développement du grand banditisme que les attaques terroristes au nord du pays. Certes, l’opération « Panga », menée du 27 mars au 10 avril 2017, a permis de rétablir une certaine sérénité dans le Nord du pays, mais les nombreuses attaques subies auparavant auront révélé les limites de la réactivité de nos forces armées ;
Ø Au plan de la gouvernance, les changements auxquels s’attendait le peuple insurgé se font toujours attendre, aussi bien dans la gestion des hommes que dans celle des ressources. A preuve, les députés continuent à se distribuer leurs millions auxquels se sont ajoutées des tablettes. Des nominations de complaisance continuent de se faire. Les récents mouvements à la police, fondés sur une exigence simple de transparence et de justice dans la gestion des services payés et la réaction des autorités témoignent de la persistance de la politique de mal gouvernance et d’impunité.
Ø A propos des engagements, il est constant que depuis quelques années, les gouvernements qui se sont succédé à la tête de l’Etat se sont peu souciés de mettre en œuvre les engagements pris envers les organisations syndicales. En réalité, le dialogue social tant prôné par le gouvernement apparaît comme un marché de dupes de sorte que les travailleurs en particulier, les populations en général, se fient de moins en moins aux engagements et autres promesses du gouvernement.
Camarades militantes et militants,
L’année 2016 et ce début de l’année 2017 sont marqués par de multiples luttes, des populations en général et des travailleurs en particulier.
Qu’est-ce qui peut expliquer ce que certains appellent une explosion des luttes syndicales ?
D’abord, c’est la réalité des préoccupations soulevées. Il s’est presque toujours agi de problèmes vécus par les populations ou les travailleurs, portés à la connaissance des autorités sans obtenir une réaction positive de celles-ci.
Ensuite, ces luttes ont été et sont fortement favorisées par l’esprit de l’insurrection. Les brimades longtemps subies et qui ont contribué à nourrir l’insurrection donnent un relief particulier au «plus rien ne sera comme avant » qui n’est pas seulement un slogan mais aussi et surtout un nouvel état d’esprit des couches fondamentales.
Enfin, il convient de rappeler les nombreux engagements non tenus par les autorités, depuis le pouvoir COMPAORE jusqu’au pouvoir actuel, en passant par la transition.
C’est l’ensemble de ces facteurs qui justifient les luttes engagées par les travailleurs de divers secteurs d’activités : greffiers, magistrats, gardes de sécurité pénitentiaire, informaticiens, travailleurs des télécommunications, enseignants, personnel de santé, secrétaires, agents des péages, chauffeurs routiers, agents des finances, agents des collectivités territoriales, h bagents des impôts, encadreurs pédagogiques, agents du Trésor, etc.)
Les autres couches populaires ne sont pas en reste. A preuve, les nombreuses luttes engagées par les populations dans les villes et dans les régions, autour de leurs préoccupations relatives aux infrastructures, à la confiscation de leurs terres, à la sécurité, à l’environnement, etc.
Face à ces luttes, le pouvoir, a généralement fait preuve d’attentisme, ne consentant à engager les négociations que quand la grève est déclenchée et produit ses effets. Certes, on peut se réjouir que certaines des négociations aient abouti à des protocoles d’accord ; cependant, dans beaucoup de cas, il a usé ou tenté d’user du dilatoire, de menaces, de la répression contre les travailleurs en lutte.
Ces derniers temps, ce sont le chef du gouvernement, M. Paul Kaba TIEBA et le Président de l’Assemblée Nationale, M. Salifou DIALLO qui sont montés au créneau pour accuser le mouvement syndical d’être manipulé, de manquer de patriotisme, de ne pas prendre en compte la faiblesse des ressources du pays, et les autres couches de la population. Comme nous l’avons indiqué dans notre réponse au Premier Ministre, l’évocation du ratio masse salariale/ressources propres pour dire que la masse salariale absorbe plus de 50% des ressources propres n’est pas recevable car ce sont plusieurs centaines de milliards de francs, objets de dissipation ou de fraude, qui attendent d’être recouvrés au profit du budget de l’Etat!
Camarades militantes et militants,
Camarades travailleuses et travailleurs,
L’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 et la résistance victorieuse au putsch, au prix d’énormes sacrifices, ont produit des acquis importants qui font l’objet de tentatives de remise en cause. Il s’agit entre autres de la liberté d’expression, de manifestation, d’organisation.
Au plan économique et social, la situation est difficile pour les différents acteurs, de même que pour les différentes couches populaires : morosité du marché, chômage, conditions de vie, d’études et de travail difficiles, difficultés d’accès à l’éducation et à la santé, …
Au niveau syndical, après les attaques contre le mouvement syndical, le pouvoir, à travers l’Assemblée nationale, a entrepris de saccager le droit de grève à travers un projet de loi qui nous a été transmis le 21 avril 2017. Les dispositions contenues dans ce projet, en faisant fi des conventions du BIT qui protègent ce droit fondamental des travailleurs, visent à vider le droit de grève de son contenu.
A cela, il convient d’ajouter la situation difficile et inique que vivent les travailleurs du privé, ce qui s’illustre notamment par :
– la récurrence des atteintes à la liberté syndicale notamment dans le privé avec un mépris de plus en plus affiché des employeurs vis-à-vis de la législation du travail et des inspecteurs et contrôleurs du travail,
– la prise en otage de la Commission Mixte Paritaire de Négociations Salariales du Secteur Privé par le patronat qui lèse profondément les travailleurs du privé, dont bon nombre souffrent déjà de bas salaires et d’absence de protection sociale. Pour mémoire, les dernières augmentations opérées dans le privé datent de 2012 !
– l’exploitation à outrance par le patronat privé des dispositions anti-travailleurs du Code du Travail (renouvellement indéfini des contrats de travail à durée déterminée, recours aux agences de placement, plafonnement des dommages et intérêts pour licenciement abusif, …)
Face à cette situation d’ensemble, des défis importants se présentent au mouvement syndical. Il s’agit de la défense ferme de la liberté syndicale (dont le droit de grève), de la lutte contre l’impunité, de la lutte pour la mise en œuvre des engagements pris par le gouvernement tant au niveau national qu’à celui sectoriel (relecture du Code du Travail, de la loi 033, la prise en compte des indemnités et autres accessoires dans le calcul de la pension des fonctionnaires, la réouverture des gares ferroviaires, exécution des protocoles d’accord, …).
Pour relever ces défis, seule notre mobilisation pourra nous permettre de préserver nos acquis et de les élargir. D’où la nécessité de renforcer nos différentes structures, de développer la solidarité et l’unité d’action à la base. Dans ce sens, les secrétaires généraux vous invitent à tenir des Assemblées générales au niveau des entreprises, des services, des sections et sous-sections, de même qu’au niveau des structures régionales en vue de sensibiliser et de mobiliser les travailleurs dans la perspective des mots d’ordre que viendrait à lancer l’UAS.
Camarades militantes et militants,
Camarades travailleuses et travailleurs,
En terminant notre message, nous exprimons, au nom des travailleurs du Burkina, et dans le cadre de la
nécessaire solidarité internationaliste, à tous les travailleurs en lutte en Afrique et dans le monde notre soutien et tous nos encouragements.
VIVE LE PREMIER MAI !
VIVE LA SOLIDARITE ENTRE LES TRAVAILLEURS !
VIVE L’UNITE D’ACTION SYNDICALE !