Affaire immixtion à la rédaction de la télévision nationale : « L’espace publique n’est plus le monopole de personne… » (Luc Adolph Tiao)
» La polémique actuelle autour d’un soupçon de l’immixtion du ministre de la communication dans le traitement de l’information n’est pas nouvelle en soi. Les médias de service public ont été dans tous les régimes politiques objet d’une convoitise permanente des pouvoirs politiques.
Le petit frère Djandjinou dont je connais ses combats antérieurs pour la liberté de presse et les innovations qu’il a apportées alors qu’il était dans le privé en matière de traitement de l’information dans l’audiovisuel doit mesurer dans ses nouvelles fonctions la complexité de la gestion des médias publics entre devoir de garantir la liberté d’expression et celle de protéger les intérêts de l’exécutif censés être ceux du peuple. Comme dit l’adage qui détient l’information détient le pouvoir.
Ce qui a changé au Burkina est que les médias ont gagné en maturité, les journalistes de la presse publique se sont presque affranchis de la tutelle politique et une véritable opinion publique existe tant sur les médias classiques que sur les réseaux sociaux. L’espace publique n’est plus le monopole de personne et nul ne peut l’apprivoiser même en y déversant beaucoup d’argent.
Mais entre l’obligation pour l’État de garantir le service public pour tous les citoyens, ses velléités de propagande somme toute compréhensible – on peut ne pas être accord mais c’est une réalité même dans les démocraties les plus avancées – et son obligation de garantir les intérêts et les opinions contradictoires de ses citoyens, que faire ?
Des grands spécialistes à l’instar de l’émérite professeur Serge Théophile Balima ont déjà publié des écrits de référence mondiale sur le sujet. Pour ma part, jetant mon pavé dans la marre, j’ai trois pistes de réflexion.
Premièrement, s’agissant de la gouvernance des medias publics, ne faut-il pas évoluer vers le modèle britannique avec la BBC en mettant en place un conseil de gouverneurs indépendants pour veiller à l’impartialité du traitement de l’information de l’audiovisuel public et à garantir l’indépendance des journalistes ?
Deuxièmement apporter des innovations dans la régulation des médias dont l’organe de régulation doit acquérir plus d’indépendance et exercer un véritable pouvoir sur les médias audiovisuels. Pouvoir prendre dans le sens de la veille de liberté des sanctions en cas de faute professionnelle avérée.
Troisièmement l’éducation aux médias favorisera l’émergence d’une opinion publique plus avertie et plus responsable.
Quatrièmement, ramener au cœur de la formation des journalistes, les problèmes d’éthique, de déontologie et de la responsabilité sociale des médias.
La liberté d’expression est une dynamique politico-sociale. Elle sera toujours fonction de la dynamique sociétale, des rapports de force en présence, du niveau de développement économique, culturel et surtout de la réalité démocratique
Puisse le débat actuel sur la RTB soit fécond et non stérile. «
Beyon Tiao
Ancien journaliste
Diplômé du Centre d’études diplomatiques et stratégiques de Paris.
Docteur en sciences de la communication de l’université de Bordeaux