«Laissons les missiles dormir à jamais sur leurs pas de tir et observons ce qui pourrait émaner du monde non-atomisé du futur», écrivait Isaac Asimov en 1964, en pleine guerre froide, à l’occasion de la Foire internationale de New York. Dans un élan d’optimisme, l’auteur du Cycle de Fondation tentait de se projeter 50 ans dans le futur, autrement ditdans les prochains jours en ce qui nous concerne, Humains du Futur.«À quoi ressemblera la Foire internationale de 2014? Je n’en sais rien mais je peux deviner». Et il l’a plutôt bien deviné, comme le relèveTreeHugger le 20 décembre.
Parmi les classiques visiophones et voitures volantes, Asimov anticipe l’essor d’un panel de nouvelles technologiques avec plus ou moins de justesse: les verres photochromiques (ceux des lunettes qui foncent ausoleil), les diodes électroluminescentes, les panneaux solaires implantés«dans les zones désertiques», mais aussi des projets de «centrales spatiales, collectant les rayons du soleil (…) et renvoyant leur énergie sur Terre», la transmission d’électricité sans fil, la viande de synthèse(«il y aura une forte résistance psychologique à une telle innovation»,devinait Asimov), et même la non-disparition de la cuisine individuelle (en 1890, l’auteur français Albert Robida imaginait exactement l’inverse).
Asimov a évidemment songé aux robots. Et là encore, il vise juste: sa vision de 2014 est plutôt humble:
«Les robots ne seront ni répandus ni très performants en 2014, mais ils seront présents.»
L’auteur imagine alors un monde où les robots occuperaient les tâches dont les humains ne veulent plus, une utopie qui entraîne cependant de nouveaux désagréments:
«Le monde de l’an 2014 n’aura que peu de travaux de routine qui ne puissent être mieux accomplis par une machine quelconque que par n’importe quel être humain. Larace humaine sera ainsi globalement dévouée à l’entretien des machines… l’humanité souffrira gravement du mal de l’ennui, une maladie se répandant toujours plus largement chaque année, et gagnant en intensité. Cela aura des conséquences sévères sur le plan mental, émotionnel et sociologique, et j’ai l’audace de dire que la psychiatrie sera de loin la plus importante spécialité médicale en 2014. Les rares chanceux qui peuvent s’impliquer dans un quelconqueemploi créatif seront la véritable élite de l’humanité, car eux seuls feront davantage que servir une machine.»
TreeHugger fait malicieusement remarquer à ce sujet que «quinze ans plus tard, alors qu’il était l’égérie des ordinateurs TRS-80 de Radio Shack, Asimov aurait probablement écrit une version très différente».
Pourtant, encore aujourd’hui, les travaux d’Isaac Asimov sont invoqués pour résoudre les problèmes, très actuels, de la robotique contemporaine. C’est notamment le sujet d’un article récent de TechRepublic, consacré aux dernières innovations en matière de robots tueurs, qui nous rappelle que ses trois lois de la robotique (1. Un robot ne peut porter atteinte à un être humain, ni, restant passif, permettre qu’un être humain soit exposé au danger; 2. Un robot doit obéir aux ordres que lui donne un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la Première loi; 3. Un robot doit protéger son existence tant que cette protection n’entre pas en conflit avec la Première ou la Deuxième loi.) qu’Asimov avait formulées en 1942, n’étaient pas supposées fonctionner:
«“Les gens pensent aux lois d’Asimov, mais elles ont été établies pour prouver qu’un système éthique simplifié, ça ne peut pas marcher. Si vous lisez ses nouvelles, chacune d’entre être est consacrée à un échec; ces lois sont totalement inutilisables”, explique le docteur Joanna Bryson de l’université de Bath (Angleterre)».
Et c’est bien pour cela qu’Asimov a continuellement revisité l’efficacité de ces trois lois au cours de son œuvre, allant jusqu’à les compléter d’une «loi Zéro», supérieure aux trois autres, précisant qu’«Un robot ne peut pas faire de mal à l’humanité, ni, par son inaction, permettre que l’humanité soit blessée».
Il ne pensait pas aux robots aspirateurs.