Région du Centre
Atelier national sur l’enseignement de la lutte contre la corruption dans les Universités
« Les chiffres sur la corruption sont effrayants »
Pendant trois (03) jours, les acteurs du monde universitaire se réuniront dans la salle de conférence de l’Institut Universitaire de Formation Initiale et Continue (IUFIC), pour échanger autour de l’enseignement de la lutte contre la corruption dans nos universités. Cet atelier, premier du genre connait la participation de l’ Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC). L’ouverture de cet atelier a été marquée par l’intervention de cinq (05) personnalités.
Le Professeurs Stanislas OUARO, Président de l’Université Ouaga II, qui est l’hôte de cet atelier fut le premier intervenant. Il intervient en qualité de Président de l’Université Ouaga II et en qualité de Président du Réseau pour l’Excellence de l’Enseignement Supérieur en Afrique de l’Ouest (REESAO). Après avoir remercié l’ONUDC, il salué la présence de toutes les personnalités et les participants. Puis a suivi son allocution.
« Partant du caractère dévastateur de la corruption pour le système éducatif, prouvé par plusieurs études et de l’excellence définie comme étant la qualité, je peux affirmer avec force qu’aucune excellence n’est possible dans un système corrompu.
Mon affirmation peut être étayée par ce passage du rapport 2004 du Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC) : le développement de la corruption dans le système montre l’ampleur du phénomène dans la société. L’amour du travail, l’honnêteté, la tolérance, la justice, la solidarité, la paix, bref toutes les valeurs universelles que vise l’éducation sont en péril avec la corruption. Ce péril est une bombe parce que la jeunesse, l’avenir du pays qui est touchée.
C’est pour illustrer cet état de fait que l’ancien Premier Ministre Luc Adolphe TIAO, dans son discours d’ouverture des états généraux sur l’enseignement supérieur, le 13 Juin 2013 déclarait : Nous devons savoir qu’il n’y a pas de compétitivité économique sans compétitivité sociale et sans compétitivité des valeurs qui incarnent notre société empreinte des valeurs de travail, de civisme et de patriotisme. Il est donc nécessaire de promouvoir ces valeurs de travail, de civisme et de patriotisme. Il est donc nécessaire de promouvoir ces valeurs cardinales si nous voulons véritablement nous développer tout en restant nous-même. C’est-à-dire des Hommes dignes et intègres.
La lutte contre la corruption est déjà engagée dans nos universités publiques du Burkina Faso à travers l’adoption du code d’éthique et de déontologie de l’Enseignant-chercheur et de l’Enseignant hospitalo-universitaire le 08 Octobre 2015 et l’existence depuis plusieurs années d’un régime disciplinaire applicable aux étudiants.
Le code consacre en effet dans son préambule, les IES comme étant motrices de valeurs éthiques et morales et conditionnent l’obtention d’un enseignement de qualité par l’intégration et la culture des valeurs éthiques d’intégrité, d’honnêteté, d’égalité, et de liberté. Il bannit tout favoritisme, délation, arnaque, népotisme, plagiat, usurpation de titre, harcèlement moral et sexuel, manipulation, agitation politique, religieuse et syndicale ouvertes ou déguisées.
Les articles 1er, 23 et 24 du code consacrent également la lutte contre la corruption chez les enseignants-chercheurs.
L’enseignement de la lutte contre la corruption devrait également s’accompagner par l’observation de comportement exemplaires de la part de nous enseignants afin d’être des repères aux yeux des étudiants. En effet, comment convaincre les apprenants du caractère nuisible de la corruption quand nous nous livrons nous même à des comportements aux antipodes de la morales.
Le REESAO conscient des effets bénéfiques d’un enseignement supérieur débarrassé de la corruption ne ménagera aucun effort pour accompagner les différentes institutions d’enseignement supérieur dans la mise en œuvre des conclusions auxquelles cet atelier parviendra en rapport avec les objectifs qu’il poursuit. »
A la suite du Professeur Ouaro ce fut le tour de Madame METSI MAKHETHA coordonnatrice résidente du système des Nations Unies. Pour Mme METSI MAKHETHA
« Les chiffres sur la corruption sont effrayants. Selon le dernier rapport de l’ONG Transparency International :
- Près de 60% des Africains interrogés estiment que la corruption s’est aggravée dans leur pays ; et
- 75 millions de personnes ont payé des pots de vins au cours de l’année écoulée, parfois pour accéder à des services aussi vitaux que la santé, l’éducation ou même l’eau.
La corruption, la fraude, le vol et l’évasion fiscale coûtent des milliers de dollars par an aux pays en voie de développement.
Au Burkina Faso, selon les résultats de l’étude afro baromètre de 2015 relatif à la lutte contre la corruption et la qualité du service public, 2/3 des Burkinabé se plaignent de la corruption dans le milieu judiciaire.
Plus de la moitié des enquêtés (52%) se plaignent des pratiques de corruption dans le domaine de la santé, de la police, de la douane, du milieu des affaires.
Récemment, le rapport du Réseau National de Lutte Anti-Corruption (REN-LAC) sur l’état de la corruption au Burkina Faso a fait ressortir que 91% des personnes enquêtés estiment que la corruption est très fréquente dans le pays.
De même, le dernier rapport de l’Autorité Supérieure de Contrôle d’Etat et de Lutte contre la Corruption (ASCE-LC) fait état d’un détournement de deniers public de plus de huit cent (800) millions de FCFA.
Combien d’écoles, de dispensaires, de routes…auraient pu être construits avec ces montants, à entendre le plaintes des populations ?
Ces chiffres et cris de cœurs des populations nous interpellent tous. On ne le dira jamais assez. Au-delà des pertes financières : la corruption mine la démocratie et l’état de droit et fausse le jeu des marchés. La corruption fragilise les institutions à travers le manque de confiance des populations. Elle engendre aussi le manque de confiance chez les partenaires. Toutes ces situations conduisent de plus en plus à des révoltes, qui sapent la cohésion sociale et la stabilité des pays. Partant de cet état de fait et dans l’optique d’éradiquer ce fléaux à l’horizon 2030, l’une des cibles des objectifs de Développement Durable se focalise sur la problématique et prévoit de réduire nettement la corruption, la fraude, l’évasion fiscale et la pratique des pots de vins sous toutes ces formes
Aujourd’hui au Burkina Faso, l’engagement au plus haut niveau d’aborder la problématique de la corruption ne fait l’objet d’aucun doute. L’engagement du pays trouve son couronnement dans le nouveau référentiel de développement qu’est le Plan National de Développement Economique et Social (PNDES) »
C’est le Ministre en Charge de l’Enseignement supérieur qui a procédé à l’ouverture de cet atelier.
Pour S.E.M Filiga Michel SAWADOGO, « La corruption est un phénomène mondial. Elle constitue un obstacle au développement économique et social des pays. Les données disponibles montrent qu’elle nuit essentiellement aux plus pauvres car les ressources nécessaires à l’éducation à la santé et aux services publics sont détournés et de manière préjudiciable pour la population. Selon la Banque Mondiale, chaque année, plus de 1000 milliards de dollars US sont versés en pots de vin dans le monde. Investir dans un pays corrompu peut coûter jusqu’à 20% plus cher que dans un pays non corrompu et les pays qui prennent des mesures idoines pour lutter contre la corruption et promouvoir le respect de la légalité pourraient augmenter leur revenu national de 4000%.
La corruption prend diverses formes. Elle n’est pas seulement que financière. Toutes les formes, quelles qu’elles soient, pots de vin, détournement, soustraction de bien, trafics d’influences, népotisme, blanchiment d’argent, etc. sont le fruit d’une morale à l’agonie.
C’est convaincu de l’impact négatif de la corruption pour le développement économique et social de nos Etats, de l’importance d’engager toutes les actions pour lutter contre ce fléaux et de la prépondérance de la place de l’éducation dans la lutte contre la corruption que mon département soutient l’initiative du présent atelier sur l’enseignement des mécanismes de corruption et de lutte contre la corruption.
Sur le plan de la législation, le Burkina Faso a déjà adopté deux importantes lois qui offrent un cadre juridique contraignant de lutte contre la corruption et qui sont conformes à la Convention des Nations Unies contre la corruption. En amont du combat juridique contre la corruption, il y a la sensibilisation et la formation. Les préoccupations des Nations Unies en termes de lutte contre la corruption s’inscrivent ainsi dans les missions de l’Université. »
C’est sur ces mots que S.E.M le Ministre termine ses propos et déclare ouvert l’atelier national sur l’enseignement de la lutte contre la corruption dans les universités du Burkina Faso..
Relwendé Hervé ROUAMBA pour SCI