COMMENT UN JEU VIDÉO PEUT-IL RENDRE ACCRO ?

Attention, tous les jeux vidéo ne sont pas à mettre dans le même panier. En ce qui concerne les adolescents qui, scotchés à leurs manettes, passent avérer problématique, mais elle est le plus souvent transitoire. Elle relève davantage de la passion que de la véritable accoutumance.

Pour les psychiatres, la véritable dépendance concerne les jeux en réseau, les fameux jeux de rôle en ligne massivement multijoueurs (MMORPG selon le sigle anglais).

UN MONDE FANTASTIQUE

Dans ce type de jeux vidéo, tels “World of Warcraft” ou “Everquest”, le joueur, représenté par un avatar – son double virtuel – interagit aux côtés d’autres joueurs connectés, dans un monde fantastique riche en aventures et combats de toute sorte. Or, ces jeux sont susceptibles d’engendrer
une passion tournant cette fois à l’obsession. Cela pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, ils sont sans fin : ils mettent en scène un monde dit persistant, qui continue d’évoluer même lorsque le joueur n’est pas connecté. “Cela provoque ce que j’appelle l’effet Tamagotchi : le joueur a peur de laisser son avatar tout seul dans le jeu, à l’abandon”, explique Jean-Claude Matysiak, chef du service de traitement des maladies addictives au centre hospitalier de Villeneuve-Saint-Georges (94).

En outre, lorsqu’il ne joue pas, le joueur n’augmente pas la puissance de son avatar. Enfin, le jeu crée un phénomène de communauté très rassurant : le joueur appartient à un groupe, il combat aux côtés d’autres passionnés, discute avec eux sur des forums, etc. “Il y a donc une reconnaissance par les pairs rassurante”, observe Julie Caillon, psychologue à l’université de Nantes.

Pour autant, l’addiction à ces jeux vidéo reste un phénomène marginal. Si aucune étude épidémiologique n’a encore été publiée en France, un rapport de l’Assemblée nationale de novembre 2008, se référant à des données issues du Canada, des Etats-Unis, d’Australie, de Nouvelle-Zélande et d’Europe du Nord, évaluait “la prévalence des joueurs problématiques et pathologiques” entre 1 et 3 % des joueurs qui ont déjà utilisé des jeux en ligne.

LE JEU VIDÉO DEVIENT UN REFUGE

Il s’agit essentiellement de garçons âgés de 16 à 30 ans, célibataires. “On ne devient jamais addict par hasard. C’est une autothérapie qui vient soulager une souffrance interne”, précise Jean-Claude Matysiak. Et de citer trois profils concernés : adolescents angoissés par l’avenir issus de familles étouffantes, jeunes ayant vécu des traumatismes à répétition durant l’enfance, individus venant de subir un choc émotionnel violent, comme la perte d’un parent.

Le jeu devient alors un refuge. D’abord supposée maîtrisable, la conduite dérape. Initiée pour le plaisir, elle finit par être pratiquée pour éviter de se sentir mal. L’objet de l’addiction devient le centre de l’existence, avec des conséquences néfastes sur la vie sociale, affective, professionnelle.

Obnubilés, les accros des jeux en ligne en oublient de manger, ne sortent plus de chez eux, ne se lavent plus. “Le corps a moins d’importance puisque sa représentation est dans le jeu”, note Julie Caillon.

Sans doute peut-on retrouver un socle biologique commun à toutes les addictions : la drogue et le jeu déclenchent la sécrétion de dopamine, l’hormone du plaisir, dans le cerveau. Avec l’évolution des technologies et la libéralisation des jeux d’argent, ces addictions comportementales ne semblent pas près de disparaître.

En témoigne la création en 2008 du Centre de référence sur le jeu excessif, à Nantes, qui vise à développer la recherche et la prévention dans ce domaine.

Science-et-Vie

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