Dans la tête du psychopathe

Qu’est-ce, au fond, qu’un psychopathe ? La définition décrit un individu insensible, superficiel, creux, ne craignant pas la sanction, dénué d’empathie et incapable de se représenter l’état émotionnel de ses victimes.

Les psychopathes ont inspiré le cinéma. On pense bien entendu à Hannibal Lecter, prototype du psychopathe hollywoodien, intelligent en diable et cruel comme personne… Mais un autre psychopathe des écrans est au moins aussi glaçant et fascinant. C’est Anton Chigurh, campé par le magistral Javier Bardem dans No country for old men (E & J Coen, 2007), qui fait irruption dans une station-service et entreprend une conversation avec le patron.

Dans cette scène apparaît un trait frappant du psychopathe : il semble traiter le rapport humain sous un angle pointilleux et logique, insensible et froid. N’importe qui sentirait que ce vieil homme exprime une détresse qui se peint sur son visage sous les traits de l’angoisse, du doute, de l’incopréhension. Chigurh, lui, ne semble pas percevoir ces indices. De notre point de vue, il le fait exprès. Mais peut-être ne les voit-il réellement pas.

Jean Decety, spécialiste mondial de l’empathie et professeur à l’Université de Chicago, vient d’étudier ce qui se passe dans le cerveau de psychopathes confrontés à un visage humain exprimant diverses émotions. Son équipe a examiné 80 psychopathes incarcérés en les faisant passer dans une IRM et a constaté que les zones du cerveau identifiant l’expression des visages sont pratiquement éteintes quand on leur montre des vidéos de visages humains exprimant aussi bien la peur que la tristesse, la joie ou la souffrance.

Dans ces expériences, des sujets psychopathes devaient regarder des vidéos de visages exprimant diverses émotions. L’activité de leur cerveau était mesurée.

L’autre comme une chose

Il y a comme un défaut d’identification des émotions sur les visages, qui pourrait expliquer que les psychopathes voient autrui comme une chose, d’où leur tendance à instrumentaliser les gens et aussi à ne pas mettre un frein à leurs actes violents quand ils voient l’expression de la peur ou la souffrance sur les visages.

Cela nous interroge sur ce qui fait de nous des « non-psychopathes ». Evitons-nous de faire souffrir les autres parce que le spectacle de leur souffrance nous est insupportable ? En fait, nous l’avons appris depuis notre plus tendre enfance. Lorsque nous faisons mal à un camarade, nos parents nous expliquent : « regarde, comme il est triste, maintenant ». Notre cerveau apprend à créer une association entre le geste qui fait mal et l’émotion gravée sur le visage de la victime. Les psychopathes n’ont vraisemblablement pas pu faire cet apprentissage.

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