ET SI MANGER BIO ÉTAIT BEL ET BIEN MEILLEUR POUR LA SANTÉ ?

ET SI MANGER BIO ÉTAIT BEL ET BIEN MEILLEUR POUR LA SANTÉ ?

Manger bio a-t-il un effet bénéfique sur la santé humaine ? Alors que ce débat fait rage depuis de nombreuses années maintenant, une nouvelle étude menée sur la mouche drosophile suggère l’existence d’une influence positive de l’alimentation biologique sur la santé de cet insecte. Un résultat publié par des biologistes américains de la Southern Methodist University (Dallas, États-Unis) dans la revue PLoS One sous le titre « Organically Grown Food Provides Health Benefits to Drosophila melanogaster« .

 

Quelle est la nature exacte du résultat obtenu par le biologiste Johannes H. Bauer et ses collègues ? Ils ont constaté que des mouches drosophiles nourries durant toute leur existence avec des aliments issus de l’agriculture biologique présentaient une longévité accrue et une plus grande fertilité par rapport à des drosophiles nourries avec des produits issus de l’agriculture conventionnelle.

Plus précisément, les scientifiques ont testé les effets sur la santé de quatre produits issus de l’agriculture biologique : des pommes de terre, du raisin des bananes et du soja. Pour évaluer les effets séparés de ces quatre aliments, quatre groupes de 200 drosophiles ont été constitués, recevant chacun l’un ou l’autre de ces produits durant l’intégralité de leur vie, ainsi que quatre groupes contrôle constitués de 200 drosophiles recevant également durant toute leur existence l’équivalent non biologique de l’un ou l’autre de ces quatre aliments.

Résultat ? Les pommes de terre, les raisins et le soja biologiques ont eu un effet significatif sur la longévité des drosophiles, avec un accroissement respectif de la durée de vie médiane de 38%, 20% et 75% (la durée de vie médiane, dite aussi vie médiane, correspond à l’âge qu’un individu a une chance sur deux de dépasser). En revanche, les bananes biologiques n’ont eu aucun effet significatif sur la durée de vie médiane des drosophiles, laquelle est restée équivalente à celle des drosophiles nourries de produits non biologiques.

Concernant la longévité maximale, les résultats ont été également significatifs, bien qu’un peu moins spectaculaires tout de même (à l’exception notable du soja biologique). En effet, les drosophiles élevées avec des patates, les raisins et du soja biologiques ont respectivement présenté une longévité maximale accrue de 6,7%, 13,9% et 80%.

Concernant la fertilité, là encore les aliments biologiques se sont distingués, puisqu’ils ont été corrélés à une fertilité sensiblement améliorée chez les drosophiles qui en avaient bénéficié, et ce pour les quatre aliments testés : du début à la fin de leur existence, les drosophiles nourries avec l’un ou l’autre de ces quatre produits biologiques ont pondu un nombre d’oeufs par jour systématiquement plus élevé que les drosophiles recevant de la nourriture non biologique.

Comment expliquer l’influence positive des aliments biologiques sur la longévité et la fertilité des mouches drosophiles ? Evidemment, l’hypothèse qui vient spontanément à l’esprit est que les aliments biologiques contiennent une quantité accrue de nutriments, améliorant de ce fait le métabolisme des drosophiles, et par voie de conséquence leur longévité et leur fertilité. Pour tester la validité de cette hypothèse, les chercheurs ont mis au point un nouveau protocole : après une première phase de nourrissage, ils ont affamé les drosophiles de chaque groupe afin d’évaluer leur taux de survie. Le but : rechercher l’existence d’un éventuel un écart significatif entre le taux de survie des drosophiles nourries avec des produits issus de l’agriculture biologique et celui des drosophiles alimentées de façon conventionnelle. Ecart qui, s’il était observé, pourrait alors suggérer une différence de valeur nutritionnelle entre ces différents modes d’alimentation.

Pourtant, les résultats obtenus au terme de ce nouveau protocole n’ont pas permis d’avoir de réponse claire sur l’existence d’une différence de valeur nutritionnelle entre les produits issus de l’agriculture biologique et ceux provenant de l’agriculture conventionnelle. En effet, si les drosophiles nourries de patates biologiques ont présenté un taux de survie significativement meilleur que celles ayant été alimentées avec des patates issues de l’agriculture conventionnelle (augmentation de 33 % de l’espérance de vie maximale), c’est en revanche tout l’inverse avec les mouches ayant reçu du raisin biologique, puisqu’elles ont présenté une espérance de vie maximale inférieure de 30 % à celles ayant été nourries de raisin conventionnel. Enfin, quant à l’espérance de vie maximale des drosophiles nourries de bananes biologiques, elle s’est révélée équivalente à celles nourries de bananes non biologiques.

Devant l’absence d’éléments tangibles suggérant l’existence d’une meilleure valeur nutritionnelle des aliments biologiques par rapport à ceux issus de l’agriculture conventionnelle, les auteurs de l’étude font l’hypothèse que le bénéfice nutritionnel des aliments biologiques varierait en fonction de leur nature (certains représenteraient une vraie plus value nutritionnelle, alors que d’autres non).

Johannes H. Bauer et ses collègues rappellent également que de précédentes études ont mis en évidence le fait que les produits issus de l’agriculture biologique contenaient un taux moins élevé de nitrates (les nitrates proviennent de l’épandage massif d’engrais), un facteur qui selon ces chercheurs pourrait expliquer la longévité accrue des drosophiles nourries avec des aliments biologiques. Ils soulignent également l’existence de précédents travaux ayant mis en évidence une concentration plus élevée d’acides gras insaturés et de nutriments essentiels tels que les protéines dans les produits issus de l’agriculture biologique (il s’agit notamment de l’étude « Comparison of nutritional quality between conventional and organic dairy products: a meta-analysis », publiée en 2012 dans le Journal of the Science of Food and Agriculture).

Enfin, les chercheurs mentionnent le fait que des études récentes ont montré que les aliments biologiques contiennent des taux plus élevés de polyphénols (c’est notamment le cas de cette étude publiée en 2012 « The influence of organic and conventional cultivation systems on the nutritional value and content of bioactive compounds in selected tomato types » dans le Journal of the Science of Food and Agriculture), des composés organiques dont il a récemment été suggéré qu’ils procurent une meilleure du système immunitaire aux maladies.

Faut-il en conclure que manger bio est meilleur pour la santé ? En l’état, pour inattendus que soient les résultats de cette étude, il faut bien reconnaître qu’ils ne permettent pas de se prononcer. Tout d’abord… parce que nous ne sommes pas des drosophiles ! Pour affirmer l’existence d’une influence bénéfique de l’agriculture biologique sur la santé humaine, il faudrait procéder à une étude sur un grand nombre de nos semblables, et qui plus est sur plusieurs décennies.

De plus, si l’on se focalise plus précisément sur les résultats de l’étude, il faut bien noter que l’influence supposée des produits biologiques sur la longévité maximale des drosophiles n’est pas si spectaculaire que cela. Rappelons en effet que, si l’on excepte l’étonnante corrélation détectée entre le soja biologique et la longévité maximale des drosophiles (accroissement de 80 %), l’influence supposée des autres aliments biologiques sur la longévité maximale des drosophiles est loin d’être spectaculaire : une augmentation respective de 13,9% et 6,7% de la longévité maximale des drosophiles nourries de raisins et de patates biologiques, et un écart non significatif pour celles nourries de bananes biologiques.

Toutefois, même si ces résultats ne permettent en rien de conclure sur d’éventuels effets bénéfiques de l’agriculture biologique sur la santé humaine, ils ont en tout cas le mérite de nous inciter à accueillir prudemment les résultats issus de ce champ de recherche – quelle que soient leur teneur – , tout en mettant en lumière l’importance de mener des recherches plus approfondies en la matière.

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