Le télescope Gemini South, au Chili, vient d’être équipé de l’instrument GPI, dédié à la découverte et à l’observation des exoplanètes géantes. Photo S.Brunier.

EXOPLANÈTES : VOICI VENU LE TEMPS DE L’IMAGERIE

Un siècle environ pour découvrir la première exoplanète, vingt ans pour trouver la millième, et un jour, des millions de nouveaux mondes dans la Grande encyclopédie galactique des temps futurs… L’exoplanétologie, cette toute jeune discipline de la vénérable science astronomique, est aussi la plus prolifique. Pas de semaine sans une nouvelle découverte, un nouveau modèle, une nouvelle surprise. Et, pour demain, plus de promesses encore : celle du satellite Gaia, de découvrir dans les années à venir plus de dix mille nouveaux mondes dans la Galaxie, celle du projet Plato, que vient de lancer officiellement l’agence spatiale européenne, d’en découvrir quelques milliers d’autres, celles des théoriciens, de déterminer précisément le nombre de planètes existant dans la Voie lactée, probablement mille milliards. Dans ce flot extraordinaire de progrès, un écart, une dissonance : ces myriades de planètes tournant autour d’une infinité d’étoiles, on ne les voit pas. Ou si peu : vous avez souvent admiré une image d’exoplanète, vous ? Oui, bien sûr, quelques-unes, en particulier sur ce blog.
Quelques minuscules taches pâles et floues, et c’est tout. Une quinzaine, tout au plus, en ce début d’année 2014, soit à peine plus de 1 % du total d’exoplanètes connues ! En effet, environ 99 % des exoplanètes connues ont été découvertes par des méthodes d’observation indirecte : mini éclipses de leurs étoiles, appelées transits ou effets gravitationnels cycliques sur leurs étoiles. Pas de photo, donc, ce qui induit, parfois, des doutes sur l’existence de ces astres, ou des interrogations sur leurs caractéristiques.
Mais cela va changer ! Lentement mais sûrement, les grands instituts de recherche astronomiques mettent au point de nouvelles techniques qui vont permettre, enfin, de photographier, d’imager, comme l’on dit désormais, les planètes d’autres étoiles…
Car, si, jusqu’ici, les quelques images d’exoplanètes dont nous disposons avaient été prises par des instruments qui n’étaient pas prévus à cet effet, désormais, les astronomes conçoivent de véritables « chasseurs de planètes », destinés à équiper les plus puissants télescopes du monde. Et la concurrence, dans ce nouveau champ d’observation, est rude… Ce sont les Japonais qui ont les premiers ouvert les hostilités, en mettant en service leur High Contrast Instrument for the Subaru Next Generation Adaptative Optics (HiCIAO) au foyer du télescope géant Subaru, situé à l’observatoire du Mauna Kea, à Hawaï. HiCIAO, associé au miroir de 8,3 m de Subaru, a déjà détecté plusieurs planètes géantes, à quelques dizaines d’années-lumière de la Terre.

La planète Beta Pictoris b, photographiée à dix ans d’intervalle, par le Very Large Telescope européen, en 2003, à gauche, et par le télescope Gemini South, en 2013, à droite. En une décennie, la planète a parcouru la moitié de son orbite autour de l’étoile Beta Pictoris, cachée par un masque focal. La planète, environ huit fois plus massive que Jupiter et portée à une température d’environ 1200 °C, est beaucoup plus lumineuse que les planètes du système solaire. Photos A.M Lagrange/Naco/VLT/ESO et GPI/Gemini South.
La planète Beta Pictoris b, photographiée à dix ans d’intervalle, par le Very Large Telescope européen, en 2003, à gauche, et par le télescope Gemini South, en 2013, à droite. En une décennie, la planète a parcouru la moitié de son orbite autour de l’étoile Beta Pictoris, cachée par un masque focal. La planète, environ huit fois plus massive que Jupiter et portée à une température d’environ 1200 °C, est beaucoup plus lumineuse que les planètes du système solaire. Photos A.M Lagrange/Naco/VLT/ESO et GPI/Gemini South.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Puis, l’équipe internationale de l’observatoire Gemini a dégainé son GPI (Gemini Planet Imager), monté au foyer du télescope de 8,2 m Gemini South, installé au sommet du Cerro Pachon, au Chili. Reste les Européens, qui vont, peut-être, mettre en service le plus puissant de ces capteurs de planètes, Sphere (Spectro Polarimetric High contrast Exoplanet Research) en 2014… L’instrument sera installé sur l’un des quatre télescopes de 8,2 m du réseau VLT, au sommet du Cerro Paranal.
Le principe général de HiCIAO, GPI et Sphere est le même: il s’agit d’optiques adaptatives ultra rapides, capables de corriger la turbulence atmosphère plus de mille fois par seconde ! Un coronographe focal, c’est à dire un masque, cache l’étoile autour de laquelle sont recherchées la ou les planètes. Enfin, les caméras sont sensibles à l’infrarouge, où rayonnent le plus les objets recherchés. Ainsi armés d’instruments d’une puissance hors norme – ces télescopes sont des « téléobjectifs géants » de 300 à 500 mètres de distance focale ! – les astronomes espèrent, dans les années à venir, photographier des centaines de planètes, mais pas seulement : ces instruments sont conçus, aussi, pour observer les disques de gaz et de poussières qui entourent les jeunes étoiles où, justement, naissent les planètes.

Le télescope Gemini South, au Chili, vient d’être équipé de l’instrument GPI, dédié à la découverte et à l’observation des exoplanètes géantes. Photo S.Brunier.
Le télescope Gemini South, au Chili, vient d’être équipé de l’instrument GPI, dédié à la découverte et à l’observation des exoplanètes géantes. Photo S.Brunier.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Alors, ces planètes, que vont découvrir et photographier HiCIAO, GPI et Sphere, elles ressembleront à quoi ? A rien de connu dans le système solaire, en tout cas, car ces instruments ne seront pas assez sensibles pour voir, autour d’autres étoiles, des planètes comme Mars, Vénus, la Terre, Saturne ou même Jupiter… Seules des planètes plus massives et surtout beaucoup plus jeunes, pourront être détectées. Subaru, Gemini et le VLT vont, pour l’essentiel, chercher des planètes autour d’étoiles extrêmement jeunes, et encore très chaudes : les planètes qui viennent de se former rayonnent l’énergie qu’elles ont emmagasiné pour se condenser, en fait, elles brillent comme de mini étoiles…
Des objets, en clair, des milliers de fois plus lumineux que les planètes du système solaire, qui ne font que refléter la lumière du Soleil. Pour observer des planètes de la taille de Jupiter, Saturne, Uranus ou Neptune, autour d’étoiles de type solaire, il faudra probablement attendre la prochaine génération d’instruments astronomiques, comme le JWST, le futur télescope spatial infrarouge de la Nasa et de l’ESA, ou la future génération de télescopes géants terrestres, le GMT, le TMT et le E-ELT, mesurant respectivement 22, 30 et 39 m de diamètre. Une petite décennie de patience encore, donc. Quant aux planètes de la taille de la Terre, Mars ou Vénus… Personne ne sait encore quand et avec quel télescope elles seront observables.

 

SC Info

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