Mes chers compatriotes,
C’est la dernière fois que je m’adresse à vous, en tant que Président de la Transition.
Aujourd’hui même, le Gouvernement a remis sa démission et le Conseil National de la Transition, clôturé ses travaux.
La Commission de Réconciliation Nationale et des Réformes, on le sait, a terminé son mandat, il y a belle lurette.
Ensemble donc, nous voulons ce soir, vous dire au revoir et merci.
Au terme de notre mission, je n’aurai pas la prétention ni la fatuité d’affirmer que tout est accompli.
L’objectif que vous nous aviez assigné à l’issue de l’insurrection populaire, était de redonner confiance à notre pays, en mettant fin à l’injustice et à l’impunité, en faisant la lumière sur les crimes de sang et les crimes économiques et, par-dessus tout, en lui donnant de nouvelles institutions crédibles et démocratiques.
Avons-nous réussi ? Ce n’est pas à nous de le dire. C’est à vous de nous juger, vous à qui nous avons le devoir de rendre compte.
A vous de nous juger, mais pas à travers le prisme déformant de la passion ou de la partialité, mais en tenant compte objectivement de la situation dans laquelle, en acceptant d’assumer les responsabilités suprêmes du pouvoir d’Etat, nous avons trouvé le Burkina Faso : un pays désemparé, déboussolé, vacillant sur les incertitudes et les appréhensions. C’est pratiquement au milieu du désespoir que la Transition a pris en main le destin de la Nation et s’est attelée, dans un combat titanesque, à relever le défi.
En matière de Justice et conformément à notre engagement, dès ma prise de fonction, nous avons ouvert le dossier Thomas SANKARA, tout en précisant que sa résolution devrait pouvoir contribuer, favoriser la réconciliation nationale. On sait actuellement où nous en sommes dans cette affaire. La quête de la justice a consisté également à mettre fin à l’incurie du système judiciaire, en y inculquant, au bénéfice du juge et du justiciable, de nouvelles valeurs, objet des Etats généraux de la justice que nous avons organisés avec succès.
Dans le domaine de l’impunité et des crimes de sang, l’affaire Norbert ZONGO a été notre préoccupation : le dossier est désormais très avancé avec l’inculpation de certains des auteurs, de sorte que la manifestation de la vérité n’est plus qu’une question de temps.
Quant aux victimes de l’insurrection, en plus de l’indemnisation, nous avons mis en place une commission d’enquête dont le mandat pourra englober la situation des victimes du coup d’Etat du 16 septembre. Le cas des crimes restants que nous n’avons malheureusement pas pu élucider, faute de temps, sera du ressort du prochain gouvernement.
Je prendrai garde d’oublier les crimes économiques. Beaucoup a été déjà fait, en témoignent les nombreuses mises en accusation et les inculpations déjà opérées, justifiant la mise en place de la Haute Cour de justice.
Au demeurant, les audits se poursuivent au niveau de l’Autorité Supérieure de Contrôle d’Etat, désormais constitutionnalisée, et nous faisons entièrement confiance à la perspicacité du Contrôleur Général et de ses collaborateurs, pour continuer la traque des prévaricateurs et des corrupteurs.
S’agissant des autres domaines d’activité, j’ai eu l’occasion, dans mon message de la fête nationale, de vous en présenter une synthèse, y compris relativement au processus électoral.
Ce sur quoi je n’avais pas beaucoup insisté, parce que le CNT était toujours à l’ouvrage, c’est l’œuvre législative de la Transition.
Comme on le sait, la composition du CNT, en tenant compte des aspirations exprimées par les insurgés, a représenté le véritable creuset de la Nation, de par sa structure et son fonctionnement démocratiques : partis politiques de l’ex-opposition et de l’ex-majorité, organisations de la société civile, Forces de défense et de sécurité en ont constitué le ferment et le fer de lance, ce qui nous a valu cette intense production législative dont il faut être fier.
Sur 118 projets de lois et 7 propositions de lois déposés, 110 ont été adoptés ainsi que 33 résolutions.
On sait qu’en plus de sa mission fonctionnelle qui est de légiférer et régalienne qui est de contrôler l’action gouvernementale, le CNT a diligenté une commission d’enquête sur la fraude fiscale et les chèques impayés, permettant ainsi de recouvrer plus de 4 milliards de FCFA au profit du Trésor public.
Après ce tour d’horizon et parce qu’il faut s’en tenir à l’essentiel, il me reste maintenant à remercier.
D’abord et comme il convient, tous ceux qui d’emblée ont cru en la Transition et l’ont fidèlement accompagnée, même au moment des graves difficultés.
Remercier également ceux qui, pour des raisons qui leur sont propres, exécraient la Transition. C’est sans haine et avec respect que nous nous inclinons devant leur jugement.
Remercier les spécialistes de la critique facile et les conteurs de bobards car, bien souvent, leurs excès ont fini par justifier notre action.
Je tiens à exalter notre jeunesse avec qui nous avons travaillé en symbiose pour donner un souffle et un élan nouveaux à la conscience nationale, devenant par là-même, la conscience universelle de tous ceux qui résistent à l’oppression et à la dictature.
Je veux remercier les femmes du Burkina, pour leur sens de la responsabilité et leur engagement total au service de la Nation.
Je veux remercier les pays amis, les Organisations sous-régionales, régionales et internationales, les partenaires techniques et financiers, pour leur inestimable contribution au redressement de notre pays.
Enfin, toute notre gratitude va à l’ensemble du peuple du Burkina Faso car nous sommes convaincus que sans son adhésion, notre action n’aurait été qu’illusoire.
La Transition a fini ainsi sa mission, mais beaucoup reste à faire pour le Burkina nouveau en marche. En vertu de la continuité de l’Etat, et parce qu’au fond, la Transition a fait le lit de ceux qui nous remplacent, je veux leur dire que le combat étant collégial et l’objectif commun, nous sommes prêts à les accompagner pour qu’ils réussissent leur mission.
Et pour cela, je réitère au Président Roch Marc Christian KABORE et à son équipe, toutes nos vives félicitations et nos sincères encouragements pour la rude tâche qui les attend.
Mes chers compatriotes,
Un fait est certain, l’esprit de l’insurrection populaire imprègnera à jamais notre histoire.
La Transition qui en a été le porte-étendard marquera à jamais la conscience nationale, même jusqu’à l’anecdote. Car, ce que vous ne savez pas, sans être adepte de la numérologie, la Transition a fait sa fortune sur le chiffre 29.
29 septembre, triomphe de la résistance populaire et sur le RSP,
29 novembre, organisation des élections,
29 décembre, investiture du nouveau Président du Faso et fin de la Transition.
Il est maintenant temps de dire au revoir. Au revoir à tous et merci encore pour la belle aventure vécue ensemble, même si elle fut périlleuse ; merci pour l’amitié, pour la solidarité, pour la fraternité qui nous a rassemblés.
Pour conclure, je voudrais réaffirmer ma conviction que :
dans ce nouveau Burkina né de la révolution ;
dans ce Burkina Faso qui a mis fin au RSP ;
dans ce Burkina Faso dont les fils et filles aux mains nues ont défié la mitraille des putschistes ;
dans ce Burkina Faso gorgé du sang des martyrs,
Plus rien ne sera comme avant.
Vive le Burkina, la République, la démocratie et la liberté !
Vive le peuple burkinabé, à jamais éternel !
Et toujours sous la protection de la divine Providence.