Jusqu’à présent, le monde de la science était dominé par les États-Unis, l’Europe et le Japon. Aujourd’hui, ce monde est en plein bouleversement. Jamais la science n’a connu un tel raz de marée, elle se diffuse partout, dans les grandes capitales mondiales comme dans les métropoles régionales. C’est ce que révèle l’étude réalisée par une équipe de chercheurs portant sur les grands foyers scientifiques à partir de millions d’articles scientifiques internationaux parus entre 1987 et 2007.
Les auteurs pointent la fulgurante montée en puissance des pays émergents, notamment en Asie (Chine, Taïwan, Corée du Sud, Inde), mais aussi le Brésil ou la Turquie. En vingt ans, par exemple, la Chine est passée du 18e rang en termes de production scientifique au 2e rang derrière les États-Unis, la Corée du 42e au 11e, le Brésil du 27e au 14e. Les « grands » pays scientifiques perdent leur hégémonie. Alors que les dix premières agglomérations scientifiques mondiales (Tokyo, New York, Paris, Londres…) produisaient 21 % du total mondial des parutions, la proportion tombe à 13 %. Cela signe-t-il le déclin des « vieux pays » ? Pas sûr, car leur production scientifique continue de progresser, mais à un rythme bien plus lent que celui des pays émergents.
L’étude montre également la tendance générale à la déconcentration. Tous pays confondus, le nombre de publications des grandes capitales diminue au profit de leurs villes de province. Et parfois de façon spectaculaire. En Chine par exemple, le taux de publication des villes de Pékin et de Shanghai est passé de 52,8 % à 31,9 % avec l’arrivée en force de villescomme Canton ou Chengdu. En Turquie, Ankara et Istanbul ont vu leurs publications diminuer de près de moitié au profit de villes secondaires. Ce phénomène n’épargne pas les grandes capitales européennes : Londres, Moscou, Madrid… En vingt ans, la part de Paris dans les publications françaises a régressé de près de 10 % à la faveur des villes de province.
Au final, ce rapport dessine les contours d’un monde scientifique multipolaire, en pleine mutation dans lequel « nos pays auraient tout intérêt à ne plus concentrer leurs moyens financiers sur les seules grandes métropoles », concluent les auteurs.