Jusqu’ici, Mars One, l’improbable et extravagante entreprise créée par un ingénieur hollandais, Bas Lansdorp, prêtait à sourire, l’idée consistant à vendre des billets aller-simple vers la planète Mars étant aussi réjouissante que loufoque, elle en devenait presque sympathique.
Bien sûr, en grattant un peu derrière les annonces plus chimériques et irresponsables les unes que les autres de notre finaud entrepreneur spatial, on voyait poindre le business bien terrestre, potentiellement d’autant plus lucratif que Mars One n’a rien à vendre que du fantasme, aux milliers de gogos prêts à embarquer pour la cythère céleste. Mais enfin, les promesses n’engageant que ceux qui y croient, les galéjades de Mars One, ses T-shirts (men, women, children), sweaters (S, L, XL, XXL), ses mugs (black, white), ses posters, ses stickers à vendre, son inévitable émission de télé réalité à venir, avec rochers martiens en carton pâte, web cam sur la douche et la chambrée commune des « astronautes », pouvait amuser, même si l’idée de projeter dans l’espace les pires miasmes de la société humaine contemporaine pouvait aussi, hélas, porter à la déprime…
Mais la dernière initiative de Bas Lansdorp ne fait plus rire personne, et a même obligé la communauté astronomique à réagir… En effet, ne voilà t-il pas que pour gratter quelques dollars de plus, Mars One propose désormais à la vente les noms des cratères martiens, via Uwingu, une start up spatiale créée, dit-elle, pour lever des fonds en faveur de la recherche astronomique et spatiale… Via le site de Uwingu, en quelques clicks, et pour quelques dizaines ou centaines de dollars, vous pouvez donner le nom de votre hamster à un cratère martien. Bien entendu, il n’y a aucun fondement juridique, géographique, aréographique à cette activité, pas plus que les « certificats de ventes d’étoiles », lucrative activité depuis quelques décennies, n’ont la moindre valeur. Ces vénielles escroqueries fleurissent simplement parce qu’elles ne sont pas interdites… Cela dit, Bas Lansdorp sait parfaitement qu’il vend du vent martien avec ses cratères, et pour se protéger de l’inévitable ire des astronomes et des planétologues, il a pris soin d’annoncer que pour ses futures escapades martiennes, Mars One « utilisera la carte de Mars de Uwingu », une subtilité sémantique que l’astronaute du dimanche ne remarquera évidemment pas, en acquérant son certificat bidon. Car en réalité, les vraies, seules et officielles cartes des planètes explorées par les sondes américaines sont éditées par l’United States Geological Survey (USGS) américaine…
Plus généralement, la seule organisation ayant autorité pour nommer officiellement les astres, c’est l’Union Astronomique Internationale, l’UAI, qui a du réagir à l’initiative lamentable de Mars One et Uwingu…
L’UAI, fondée en 1919, est une association internationale non gouvernementale, qui coordonne les travaux des astronomes du monde entier. En particulier, c’est l’UAI qui nomme officiellement, avec des critères très précis, les astres découverts (astéroïdes, comètes, satellites, par exemple), qui décide du statut de ces astres (Pluton n’est plus officiellement une planète, Cérès n’est plus un astéroïde, désormais, par exemple) et enfin qui nomme les reliefs découverts sur les autres mondes, montagnes, volcans, cratères, vallées, lacs et mers… Entre autres tours de force, l’UAI a réussi, au cours de la Guerre froide, à mettre d’accord Est et Ouest sur ses procédures et nomenclatures, c’est peu de dire que cette institution est reconnue dans la communauté scientifique et qu’elle se désole que la planète rouge soit désormais un vil enjeu de business…
Un business qui par ailleurs à de quoi faire sourire, par son côté « petit bras »… En effet, rappelons d’abord, pour nous redonner le sourire, le programme de Mars One… Envoyer sur Mars, dès 2018, un robot, pour tester et valider les techniques visant à envoyer ensuite des hommes et femmes coloniser Mars. Rien que ça. Les heureux élus devraient débarquer, morts ou vivants, on ne sait pas, dès 2023. Pour donner une vague idée de ce que coûte la conquête spatiale, dans le monde réel, voici quelques chiffres arrondis. Un tir de fusée ? Cinquante millions de dollars. Un satellite ? Cent millions. Une sonde spatiale ? Un milliard. Le télescope spatial Hubble ? Dix milliards. Le programme ISS de station spatiale internationale ? Cent milliards. Le programme Apollo ? 150 milliards.
Ce que propose, le plus sérieusement du monde, Bas Lansdorp, c’est d’envoyer des gens sur Mars en « classe éco », pour… six milliards de dollars seulement, soit le double du prix d’une grosse sonde interplanétaire !
Près de trois mille personnes, probablement peu au fait de l’état de l’art en matière spatiale ont payé leurs frais d’inscription à ce voyage imaginaire, une cinquantaine de dollars, ce qui a permis à Mars One d’accumuler un formidable pécule : environ 150 000 dollars. Mais ce n’est pas tout ! Les dons, les ventes de posters et de mugs ont rapporté près de 200 000 dollars de plus et, enfin, une opération de crowd funding a rapporté quelque 300 000 dollars. On est pris de vertige, en arrondissant la somme très complaisamment, on atteint presque un million de dollars… Pas si mal, pour une entreprise qui emploie huit personnes, non ? En revanche, par rapport au programme qu’elle annonce… Un million, c’est presque la moitié du millième du prix d’une sonde martienne, presque le demi millième de millième du prix d’un vol habité pour de vrai sur Mars…
Vite Bas Lansdorp, vite, de nouvelles informations sur Mars One ! Promis, on en reparle ici le premier avril.
MARS ONE : GRAND-GUIGNOL SUR LA PLANÈTE ROUGE
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