– Excellence Monsieur le Président de l’Assemblée nationale ;
– Honorables Députés ;
– Honorable député Raphael. K KOUAMA.
Parmi les obstacles qui entravent la réussite scolaire des filles, figure en bonne place le cas des grossesses précoces et non désirées en milieu scolaire. Cette situation est devenue un phénomène récurrent au cours des dernières années au regard des statistiques enregistrées par les services techniques.
Ces conséquences sont de plusieurs ordres dont la déperdition et/ou l’échec scolaire des filles, la non-atteinte des objectifs en matière de politique éducative en faveur des filles, en somme, la baisse de rendements interne et externe de notre système éducatif.
L’ampleur du phénomène interpelle plus d’un et les préoccupations de l’honorable député KOUAMA me donnent l’occasion d’intervenir sur la question autour de (04) quatre points centraux :
– Etat des lieux des grossesses en milieu scolaire ;
– Facteurs de risques des grossesses ;
– Conséquences du phénomène ;
– Actions entreprises par le MENA pour leur résorption.
- ETAT DES LIEUX DES CAS DE GROSSESSES EN MILIEU SCOLAIRE
clarification conceptuelle
Les grossesses en milieu scolaire sont indiquées comme étant des grossesses non-désirées et précoces. Selon le rapport de « l’Etude sur les grossesses non désirées et les cas d’évanouissement des jeunes filles en milieu scolaire, août 2013 » les définitions suivantes sont à considérer :
Grossesse précoce: ce terme désigne la grossesse de l’adolescente. La précocité est déterminée par l’âge (10-18 ans) ;
Grossesse non désirée: ce terme désigne la grossesse « accidentelle » non voulue due à l’absence ou la défaillance d’une méthode contraceptive ou à d’autres facteurs indépendants de la volonté d’un individu.
Quelques indicateurs sur les cas de grossesses non désirées en milieu scolaire au niveau national
Les grossesses non désirées (GND) en milieu scolaire constituent un phénomène récurrent à travers toutes les régions du pays ; dont l’ampleur demeure difficile à établir de par la nature même de la grossesse. Cependant, les services techniques de mon département entreprennent la collecte des données afin de mesurer d’une part l’impact des actions menées d’autre part d’orienter sur les nouvelles stratégies.
Ainsi, la Direction de la Promotion de l’Education Inclusive, de l’Education des filles et du Genre (DPEIFG) en collaboration avec les structures déconcentrées a enregistré au cours de l’année scolaire 2013-2014 une situation de 1814 cas de grossesses en milieu scolaire dont 481 filles mères réparties sur l’ensemble du pays.
Ces chiffres montrent que le phénomène se pose avec plus acuité dans certaines régions telles que du sud-ouest, des cascades et Plateau central et Nord.
Au cours de l’année scolaire 2014-2015, dans les établissements de la région du Centre Ouest plus de 400 cas de GND recensés dont près de 70% sont au post-primaire et 40% en classe de 3ème. Au cours de la même année scolaire, 70 cas de GND ont été recensés dans des établissements scolaires de la Boucle du Mouhoun et 40 cas dans la région des Hauts Bassins au post-primaire et 06 cas au primaire dont cinq (05) au CM2 et un (01) au CM1.
Au cours de l’an scolaire 2015-2016, le Cadre de Concertation des ONG et associations actives en Education de Base au Burkina Faso (CCEB/BF) qui a pour objectifs d’influer les politiques éducatives pour l’accès à une éducation de qualité pour tous les Burkinabè, a soumis un projet sur la réduction des grossesses non-désirées en milieu scolaire dans cinq communes du Burkina Faso à savoir Dori, Boromo, Léo, Orodara et Yako. En mars 2016, il a été enregistré dans le cadre de ce projet et dans les cinq communes de mise en œuvre 300 cas de grossesses.
Dans la même période, les services techniques du MENA ont enregistré respectivement dans les établissements des régions du Sahel et du centre ouest 94 cas e GND dont 76 au post-primaire et 18 au secondaire ; 382 cas de GND recensés dont 70% sont au post-primaire et 40% en classe de 3ème.
- LES FACTEURS DE RISQUES DES GROSSESSES PRECOCES ET NON DESIREES
Les facteurs de risque des grossesses non désirées sont multiples nous pouvons citer quelques- uns :
Ø Les facteurs socioculturels : sur le plan culturel on peut citer les mariages précoces et/ ou forcés, la mise en cause de la responsabilité des parents (par exemple leur négligence dans le suivi des filles, leurs faibles capacités à parler de la sexualité à leurs enfants). Au plan social, notons que les adolescent(e)s acquièrent leur maturité physique, émotionnelle et psychologique dans un monde en pleine transformation. Cette cible reçoit des messages contradictoires sur la santé sexuelle et reproductive, ce qui affaiblit sa capacité à faire des choix judicieux. A cela, il faut ajouter d’autres éléments tels que la dépravation des mœurs, la gêne des filles à recourir aux services de Santé Maternelle et Infantile (SMI) ; le harcèlement/chantage entre partenaire et la crise de l’adolescence ;
Ø Les facteurs économiques : la pauvreté et la misère avec leurs corollaires que sont l’ignorance, la drogue, l’effet de mode, le mimétisme, l’influence de la mauvaise compagnie, la prostitution, l’alcoolisme, le développement des activités minières, la marginalisation. etc.
Ø Les facteurs liés au milieu scolaire ou environnemental : l’introduction tardive du sujet sur la sexualité à l’école (à partir de la classe de CM1), le manque de confiance en soi des filles, l‘insuffisance des centres d’accueil pour jeunes filles, l’insuffisance de l’offre éducation éducative.
III. LES CONSEQUENCES DES GROSSESSES NON DESIREES
Les conséquences des grossesses non désirées et précoces sont nombreuses. Il s’agit entre autres :
– Au niveau de la scolarité : l’absentéisme qui aboutit à la déperdition et /ou à l’échec scolaire ;
– Au niveau social et économique : Les conséquences sociales et économiques des grossesses non désirées en milieu scolaire sont aussi nombreuses : abandon scolaire, retard dans le cursus scolaire, exclusion de la famille, mariage précoce et ou forcé, l’abandon d’enfant, l’infanticide, les conflits familiaux, la marginalisation, l’augmentation des charges familiales, la prostitution si la fille manque de soutien, le choc psychologique, la perte de la dignité/honneur, le rejet qui peut entrainer une dépression nerveuse, le bannissement, l’exclusion sociale, la perte de soutien financier, le handicap de l’avenir , la pauvreté;
– Au niveau sanitaire : les grossesses non désirées en milieu scolaire sont source d’avortements clandestins, généralement pratiqués dans de très mauvaises conditions de sécurité, et qui ont des conséquences importantes sur la santé de ces filles. Ces avortements volontaires et clandestins pouvant même conduire à la mort et l’exposition aux IST et au VIH /SIDA. Les taux de prévalence moyens du VIH chez les jeunes de 15-19 ans et chez les jeunes de 20-24 ans sont respectivement de 0,3% et de 0,8%, ce qui demeure élevé. (EDS IV).
Pour endiguer le phénomène des grossesses précoces et non désirées en milieu scolaire, des IV. LES ACTIONS ENTREPRISES PAR LE MENA
actions multiples et diverses sont entreprises par le MENA. L’ensemble de ces actions s’inscrivent soit au plan pédagogique, soit au plan para pédagogique. A cet effet, une étude a été menée en 2013 afin de mieux cerner le problème.
Son rapport propose l’adoption de registre à usage interne des établissements d’enseignement et des fiches de collecte permettant de mettre à la disposition des décideurs des données statistiques fiables sur ces phénomènes. Le rapport a permis la mise en œuvre d’un plan d’action triennal dont les objectifs stratégiques portent sur la prévention, la prise en charge médicale des filles victimes, le soutien scolaire pour les victimes, la formation des élèves en éducation sexuelle, la promotion des centres d’hébergement pour jeunes filles scolarisées, la sensibilisation des acteurs du milieu scolaire et des parents ainsi que la création de structures de proximité pour les soins et pour la sensibilisation.
Une recherche-action menée en 2015 a permis au MENA de disposer d’outils de communication sur l’hygiène menstruelle à l’usage des filles de 9 à 16 ans, des enseignants et des chefs d’établissement.
Le MENA entend se lancer dans une intensification des sensibilisations sur la santé sexuelle et reproductive (SSR) et la lutte contre les violences basées sur le genre. Ces actions sont inscrites dans le projet « demousso kalan yiriwa », un sous projet du projet Autonomisation des Femmes au Sahel pour le Dividende démographique (SWEDD). Ce sous-projet prévoit, entre autres , des actions visant à accroître l’offre d’informations et de services en matière de santé sexuelle et reproductive au profit des adolescents et adolescentes scolarisés (SSR).
Le MENA a inscrit des actions pédagogiques avec l’introduction très tôt (dès l’école primaire) de l’enseignement des thèmes de la SSR à travers la réforme des curricula débuté depuis bientôt 3 ans.
L’accroissement de l’offre éducative dans lequel mon département est engagé, contribue à lutter contre le phénomène des GND eu égard au fait que les filles ne seront plus amenées à quitter leurs parents pour leurs études post-primaire et secondaire.
Aussi, convient-il de noter que pour atteindre les objectifs escomptés, une plus grande responsabilisation des élèves, filles comme garçons et des parents et même de toute la société s’impose.
Enfin, je saisis l’opportunité qui m’est offerte du haut de cette tribune de la représentation nationale pour lancer un appel vibrant à tous/toutes pour une mobilisation forte et une mutualisation des efforts autour de cette préoccupation pressante que constituent les grossesses en milieu scolaire.
Excellence Monsieur le Président, Honorables députés à l’Assemblée, tels sont les éléments de réponses apportés par le MENA à la question écrite formulée par l’honorable député Raphael. K KOUAMA.
Je vous remercie de votre aimable attention.