Analyser des images trouvées sur internet et tenter d’établir des corrélations entre elles. Telle est la mission de NEIL (Never Ending Image Learner), un superordinateur constitué de 200processeurs, créé par des scientifiques de l’Université de Carnegie Mellon (Pittsburgh, États-Unis). Une activité à laquelle NEIL s’adonne 7 jours sur 7 et 365 jours par an, depuis la fin du mois de juillet 2013.
Le but : observer si NEIL est capable… d’accéder au « sens commun ». Le sens commun ? Il s’agit de ces savoirs qui sont de l’ordre de l’évidence, que l’être humain acquiert au fil de ces interactions avec les autres et avec le monde, et ce sans que ces savoirs soient transmis de façon explicite (savoir qu’on trouve généralement les avions dans le ciel, que les moutons sont de couleur blanche, etc).
Pour bien saisir l’intérêt de cette expérimentation, il faut savoir que la possibilité de créer des ordinateurs capables de raisonner en utilisant une forme de sens commun est aujourd’hui un enjeu majeur de l’intelligence artificielle. En effet, pour décider des actions qu’il doit mener dans son quotidien, l’être humain utilise en permanence les savoirs issus de son sens commun. Par conséquent, créer des machines possédant une base de connaissance de cette nature serait à l’évidence un grand pas en matière d’intelligence artificielle.
En quoi consiste plus précisément l’activité de NEIL ? A explorer les photos qu’il trouve sur le Web, à les classifier et à établir des corrélations entre elles. Par exemple, « savoir » qu’il existe plusieurs catégories de véhicules (les voitures, les motos, les vélos…), ou encore qu’il existe plusieurs marques et modèles de voiture. Mais aussi, repérer que les zébrures présentes sur le pelage d’un zèbre peuvent aussi être présentes sur le pelage d’autres animaux, comme le tigre.
Au-delà de l’intérêt purement scientifique de cette expérience, l’ambition de ce dispositif est de créer la plus grande base internet de données visuelles au monde, dont chaque élément (objet, lieu, personne…) serait défini par des attributs, et relié aux autres éléments de la base avec lesquels il entretient de façon manifeste une relation.
La réussite de cette expérience pourrait déboucher sur des applications très concrètes, notamment dans le domaine du traitement des données de la toile. En effet, le nombre d’images présentes sur Internet est gigantesque (Facebook, à lui seul, abriterait à l’heure actuelle quelques 200 milliards d’images). Par conséquent, disposer de machines capables d’explorer et de gérer sans aide humaine la gigantesque masse d’images présente sur internet serait à l’évidence un atout considérable.
A la lumière de ces dernières informations, l’identité des partenaires financiers qui soutiennent cette ambitieuse expérience scientifique n’est dès lors plus très surprenante. Et pour cause, puisqu’il s’agit du Département de la Défense des États-Unis… et de Google.
Les scientifiques du projet NEIL présenteront les premiers résultats issus de l’expérience NEIL le 4 décembre 2013 lors de la Conférence Internationale IEEE consacrée à la vision par ordinateur, organisée à Sydney (Australie).
Photo : Carnegie Mellon University