DES AVEUGLES DE NAISSANCE PEUVENT « VOIR » DES CORPS DANS L’ESPACE SOUS LA FORME DE SONS QUI ACTIVENT LEUR CORTEX VISUEL.
Percevoir des informations visuelles en écoutant des sons ? C’est possible, révèle une étude publiée dans la revue Current Biology, menée par deux scientifiques israéliens sur des aveugles de naissance.
Au cours de cette expérience, Ella Striem-Amit et Amir Amedi (Université Hébraïque de Jérusalem) ont en effet réussi à communiquer des informations visuelles à ces volontaires non-voyants, en leur faisant écouter des sons bien spécifiques, censés leur « décrire » ce qui se passait autour d’eux. De tels sons composent ce qui s’appelle un « paysage sonore » autour du patient, en lui fournissant des informations acoustiques sur l’espace qui l’entoure.
Au bout de 10 heures d’entraînement, sur la base de ces seuls sons, les volontaires non-voyants étaient capables de reconnaître la présence d’une forme humaine, de la localiser dans l’espace et même d’imiter sa façon de se tenir. Autrement dit… ils voyaient des sons !
Cela signifie que, malgré leur cécité de naissance, ces patients étaient tout de même capables de se représenter des corps dans l’espace. Les chercheurs l’ont prouvé en plaçant les volontaires dans un appareil d’imagerie par résonance magnétique (IRM) : ils ont constaté que chez les aveugles comme chez les voyants, une aire du cortex visuel appelée le cortex extrastrié s’activait en présence des stimuli auditifs.
Cette aire du cerveau, connue pour être préposée à la perception visuelle du corps, fonctionnerait donc indépendamment de toute expérience visuelle au cours de la vie.
UN PROGRAMME INFORMATIQUE RECRÉANT UN PAYSAGE SONORE
Pour réaliser cette performance, les neuroscientifiques ont utilisé un programme informatique appelé VOICE, ayant pour spécificité de « traduire » les informations visuelles en sons afin de créer un paysage sonore.
Concrètement, comment fonctionne ce programme informatique ? Imaginons par exemple qu’il s’agisse de traduire en sons une ligne diagonale allant de gauche à droite en descendant : l’équivalent en sons sera alors une succession de notes musicales de plus en plus basses jouées au piano.
Ces travaux s’inscrivent dans un champ de recherche appelé « substitution sensorielle », un domaine scientifique consistant à mettre au point des technologies permettant de compenser un handicap perceptif (surdité, cécité…) par la mise en place d’un « message codé » transmis par un autre canal sensoriel – par exemple, par l’ouïe plutôt que par la vue.
Grâce à cette technique, une personne handicapée a la possibilité de recueillir malgré tout des informations sensorielles relatives à son canal perceptif défaillant.
Dans le cas des aveugles, une autre piste de recherche consiste à développer des technologies leur permettant de voir par l’intermédiaire du toucher.